mardi 12 juin 2007

Les Assis suivi d'une vilénie

Tiens aujourd'hui, mon poème favori de mon poète favori!

Allez savoir pourquoi aujourd'hui... et pourquoi ce poeme... sans doute parce que doudou m'a allumé au réveil...sans doute parce qu'il me représente assez bien, quand on me tire de ma chère solitude...aussi tout simplement parce que c'est ça le pur génie et que ça fait un moment que j'ai envie de le servir...

...d'Arthur Rimbaud, Les assis

Noirs de loupes, grêlés, les yeux cerclés de bagues
Vertes, leurs doigts boulus crispés à leurs fémurs,
Le sinciput plaqué de hargnosités vagues
Comme les floraisons lépreuses des vieux murs ;

Ils ont greffé dans des amours épileptiques
Leur fantasque ossature aux grands squelettes noirs
De leurs chaises ; leurs pieds aux barreaux rachitiques
S'entrelacent pour les matins et pour les soirs !

Ces vieillards ont toujours fait tresse avec leurs sièges,
Sentant les soleils vifs percaliser leur peau,
Ou, les yeux à la vitre où se fanent les neiges,
Tremblant du tremblement douloureux du crapaud.

Et les sièges leur ont des bontés : culottée
De brun, la paille cède aux angles de leurs reins ;
L'âme des vieux soleils s'allume, emmaillotée
Dans ces tresses d'épis où fermentaient les grains.

Et les Assis, genoux aux dents, verts pianistes,
Les dix doigts sous leur siège aux rumeurs de tambour,
S'écoutent clapoter des barcarolles tristes,
Et leurs caboches vont dans des roulis d'amour.

- Oh ! ne les faites pas lever ! C'est le naufrage...
Ils surgissent, grondant comme des chats giflés,
Ouvrant lentement leurs omoplates, ô rage !
Tout leur pantalon bouffe à leurs reins boursouflés.

Et vous les écoutez, cognant leurs têtes chauves,
Aux murs sombres, plaquant et plaquant leurs pieds tors,
Et leurs boutons d'habit sont des prunelles fauves
Qui vous accrochent l'oeil du fond des corridors !

Puis ils ont une main invisible qui tue :
Au retour, leur regard filtre ce venin noir
Qui charge l'oeil souffrant de la chienne battue,
Et vous suez, pris dans un atroce entonnoir.

Rassis, les poings noyés dans des manchettes sales,
Ils songent à ceux-là qui les ont fait lever
Et, de l'aurore au soir, des grappes d'amygdales
Sous leurs mentons chétifs s'agitent à crever.

Quand l'austère sommeil a baissé leurs visières,
Ils rêvent sur leur bras de sièges fécondés,
De vrais petits amours de chaises en lisière
Par lesquelles de fiers bureaux seront bordés ;

Des fleurs d'encre crachant des pollens en virgule
Les bercent, le long des calices accroupis
Tels qu'au fil des glaïeuls le vol des libellules
- Et leur membre s'agace à des barbes d'épis.


Pour le dire, je vous recommande le phrasé Léo Ferré 1968 ou 9 à Bobino...

Enfin, je le dédie, au titre de ma très vieille connerie, à Monsieur R et à diam's...ah! s'ils pouvaient attaquer la France ou les vieux avec le 10000eme de ce talent...

Sur ce, non pas une mais deux pensées du jour :

"Que l'homme redoute la femme quand elle aime: c'est alors qu'elle fait tous les sacrifices, et toute autre chose lui paraît sans valeur."

"Et lorsque l'on vous maudit, il ne me plait pas que vous vouliez bénir.Maudissez plutôt un peu de votre côté!"

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