mardi 13 mars 2007

Pouvoir d'achat sous de Gaulle ou Benny Waters tous les soirs en live

Y a des soirs où il vaut mieux se souvenir que de chercher à sortir. Et quelle meilleure mémoire que youtube, où j'ai retrouvé, par hasard, un vieux pote génial : Benny Waters (95 ans sur Youtube). Je dois encore avoir son disque dans la malle au grenier, dans la maison que je n'habite jamais, au pays de mes enfants.
Y a 40 ans exactement en 1967, j'étais tous les soirs ou presque à la Cigale, le bar près de la place Pigalle. J'habitais à 50 mètres sur le boulevard Rochechouart. Tous les soirs, sauf le lundi, pour 5F la bière (c'était donné eu égard à la qualité extraordinaire du spectacle)c'était jazz à gogo. Je gagnais 800F par mois comme contrôleur du commerce intérieur et payais 250F de loyer. Faites le calcul, j'avais les moyens 4 à 5 fois par semaine de 2 voire 3 bières pour un pied gigantesque de 10H à 2H du mat. J'avais dîné avant, un peu plus haut sur le boulevard chez l'arabe pour 4 ou 5F ou à la cantine des postes pour 2F. ça faisait quand même une paye tout ça, mais à l'aise, la belle vie ! On avait en life dans ce zinc tout à fait ordinaire, tous les soirs sauf le lundi, le saxophoniste Benny Waters et le trompettiste Jack Butler, Al Lirvat le trombonniste antillais bien connu, Pierre Goram un autre antillais bassiste très solide, l'ex pianiste de Joséphine Baker dont je n'ai jamais su le nom, le plus réservé de l'orchestre, et un batteur de la légion qui a fait plus tard une pub célèbre qui me reviendra, un roc, un métronome, un déménageur de caisses. Le tout dans un ballet ininterrompu d'entrées et de sorties et d'installation au zinc des noctambules du quartier, toutes places assises prises dés 22H30.
Benny en nage avec un billet de 10 dollars collé sur le front par la sueur jouant à la demande pour les américains de passage, parfois quelques putes chanteuses ou danseuses d'un instant. Le pied pour tous, partagé dans les sourires à dents déployées, même pour la dame pipi et sa figure de clown blanc, hochant la mesure dans l'entrebaillement de la porte de l'escalier des cagoinces, 4 ou 5 mètres derrière ma place attitrée, deuxième box devant l'orchestre.

A part ça le pouvoir d'achat s'est amélioré, nous dit l'INSEE qui nous prend pour des cons depuis des décennies. Aujourd'hui je gagne 50 fois plus nominalement et j'peux rien faire d'approchant. D'ailleurs, il n'y a plus d'endroits comme ça.

Normal que les jeunes soient aigris.

Je signale aux esprits calculateurs que lorsque je gagnais 800 comme fonctionnaire mon cousin tailleur de pierre gagnait 2000 et se foutait bien de ma gueule (c'était avant le chômage), un pote vaguement breveté quelques années auparavant gagnait 1500 comme scribouillard à la BNP, un autre cousin maçon gagnait 1000 ainsi qu'un troisième cousin, ouvrier spécialisé. Je signale aussi que pour gagner 50 fois plus aujourd'hui j'ai évidemment beaucoup monté en grade, passant concours sur concours et déménageant 19 fois.
On peut monter en grade malgrè un indécrottable mauvaise esprit mais il faut de la marge (vive la France donc mais je blogue masqué quand même)


Bonne nuit les petits!

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